Cela fait plus de 30 ans que je suis moniteur en MFR. Je suis passeur de connaissances, j’ai vu passer bien des pratiques pédagogiques, depuis ma formation au CNP, un DUEPS, un DESS, un Master, tout en sciences de l’éducation.
Comme chacun d’entre nous, j’ai fait du surplace avec les uns, et du chemin avec les autres.
Un de mes chemins préférés m’a amené au Manitoba, État du centre du Canada. "Manitoba" signifie en indien Cree le souffle de l’esprit, en référence aux vents qui balayent l’immense lac Manitoba au cœur de cette province.
Je souligne cette étymologie car c’est là qu’est né, en 2008, le premier MOOC.
Un MOOC (Massive Online Open Course) est une nouvelle forme d’apprentissage qui souffle à présent très fort dans les universités nord américaines, où ce concept connaît un franc succès.
La formule vient d’arriver chez nous. Le premier mooc francophone s’est déroulé durant l’automne 2012. Il s’appelait ITYPA, j’y étais.

Retour sur la forme

Le MOOC est un enseignement de masse.

Il s’adresse à plusieurs centaines voire plusieurs milliers de participants. Nous étions 1200, formateurs, consultants, responsables pédagogiques ou de formation, documentaliste, chercheurs…..

Le MOOC est un cours connectiviste.

Le connectivisme est un courant pédagogique qui adapte les théories socioconstructivistes à l’usage du numérique. Le principe : la richesse du cours dépend de la production savoir des participants, et de leurs échanges. Dans le MOOC ITYPA, chacun était invité à créer un blog personnel pour publier ses pratiques et ses recherches.

Le MOOC est ouvert,

chacun peut s’y inscrire et y participer librement

Le MOOC est en ligne, C'est une formation à distance.

La partie synchrone, qui rythme le cours est une visioconférence. Pour ITYPA elle avait lieu chaque semaine. C’était une table ronde virtuelle avec l’application visioconférence hangout, accessible à tous à partir du moment où on a créé son compte google.

La partie asynchrone utilisait plusieurs canaux.:

  • Un site WEB : http://www.itypa.mooc.fr, avec la présentation et le déroulement du cours, assortis de conseils méthodologiques, de ressources pédagogiques, de forums de discussion, de formulaires d’inscription.
  • Une newsletter quotidienne, véritable revue de presse faisant écho des articles publiés par les participants

Comme dans tous les festivals, une grande partie de la formation se déroulait dans le off, chacun consultant et interagissant avec les autres blogueurs et twitteurs producteur de ressources

source image : http://tritypa.wordpress.com/2012/12/10/dessine-moi-itypa/

Retour sur le fond

ITYPA est un acronyme : Internet Tout Y est pour Apprendre.
Le cours invitait chacun à optimiser les TICE en tant que support d’apprentissages, ou plus précisément, à tisser son environnement personnel d’apprentissage en ligne.
Ce thème nous concerne à deux niveaux : Les TICE rentrent de plus en plus dans notre métier de formateur, nos jeunes vivent dans une bulle numérique qui enfle, notamment en milieu scolaire.

Le cours s’est déroulé sur 10 semaines avec un découpage de 10 séquences

  • Semaine 1 : Introduction
  • Semaine 2 : L'environnement d'apprentissage personnel, à construire ensemble
  • Semaine 3 : Diriger soi-même sa formation
  • Semaine 4 : Recherche et veille documentaire
  • Semaine 5 : Partage d'expériences autour de la recherche documentaire
  • Semaine 6 : Apprentissage social
  • Semaine 7 : Découvrons les communautés qui nous entourent
  • Semaine 8 : Construire son réseau social en ligne pour apprendre
  • Semaine 9 : Partage d'expériences
  • Semaine 10 : les Moocs, pour la formation tout au long de la vie



Voici les points sur lesquels je me suis arrêté :

L’environnement d’apprentissage personnel (EAP) :

L’environnement d’apprentissage personnel (EAP) est le système avec lequel l’apprenant définit ses objectifs, ses contenus, ses processus d’apprentissage et sa communication avec les autres
Gérer son EAP, c’est raisonner ses interactions avec les autres, sa recherche documentaire, le stockage des ressources numériques, la production de contenus.
Construire son EAP, c’est choisir des outils qui répondent à des besoins d’apprentissage personnel
pour illustrer cette démarche, voici les quatre facettes de l’EAP de Jacques COOL, le référent dans cette discipline EAPzecool le détail de sa boîte à outils se trouve dans le diaporama suivant : http://fr.slideshare.net/Zecool/18-octobre-2012-mon-eap
La démarche est intéressante. Nous avons l’habitude d’appréhender l’environnement des organisations. Il s’agit là de faire un travail d’introspection sur nos objectifs d’apprentissage et de définir avec qui et avec quoi pouvons-nous les atteindre. L’étude étant restreinte ici aux ressources numériques.

L’infobésité

L’infobésité, c’est la boulimie de l’information en ligne. Cette maladie affecte tous les internautes.
Trop d’information tue l’information ! La surcharge d'information numérique a été pointée comme un risque important de problème d'assimilation, de pertes de temps et de diminution de productivité.
Pour se défaire de cette maladie qui affecte tous les internautes, il faut sélectionner rigoureusement ses territoires et ses outils de veille et de recherche
TV

La curation

La curation consiste à réaliser une revue de presse sur un thème donné en présentant et en commentant les ressources en ligne publiée sur un thème donné
_Elle permet de valoriser et de partager son travail d’identification, de classement, d’éditorialisation des ressources_
_Principaux outils de curation : Scoop.it, Paper.li, Pearltrees, Storify, Diigo_
Une chaîne complète du traitement de l’information en ligne ressemble à ceci : Source image : http://cmooclepagegilles.blogspot.fr/2012/10/semaine-4-du-mooc-itypa-la-veille.html

l’apprentissage social

L’apprentissage social, appelé aussi Social Learning, c’était en fait le chapiteau du MOOC ITYPA.
J’y associe cet aphorisme de Philippe Carré: “on apprend toujours seul, mais jamais sans les autres”
J’aime aussi beaucoup cette phrase : « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » (auteur anonyme)
Je serais tenté de dire que l’apprentissage social c’est la part des autres dans l’apprentissage, augmentée de cette plus-value induite par le travail collectif.
Plus objectivement, "le Social Learning peut être considéré comme le développement des savoirs, des aptitudes et attitudes, par la connexion aux autres, que ce soient des collègues, des mentors ou des experts, via les médias électroniques synchrones ou asynchrones."
Source : https://sites.google.com/site/capitypa/glossaire#e

L’autoformation a ses piliers (7 selon Philippe Carré), l’apprentissage social en a 4. C’est ce que nous a présenté Frédéric Domon, expert dans ce domaine :

  1. Le réel : il faut un cadre (espace, temps, management )
  2. La technologie : les outils et les procédures
  3. L'individu : sa motivation est essentielle
  4. La dimension collective

les communautés qui nous entourent

Le travail collectif s’effectue dans une multiplicité d’organisations CT.png

Le fonctionnement des communautés est encore plus complexe, tant les stratégies de collaboration sont nombreuses
Le gros du questionnement a porté sur les liants des communautés, selon Jean Michel Cornu notre mentor de séance la coopération est une équation à 28 inconnues
http://site-coop.net/cooperation28/wakka.php?wiki=PagePrincipale

Construire son réseau social en ligne

_Les réseaux sociaux peuvent être utilisés à des fins pédagogiques, mais leur première vocation reste la rencontre et l’échange_

Construire son réseau social, c’est signer sa personnalité qu’elle soit physique ou morale. L'identité numérique, l'e-réputation doive être 2 points de vigilance
Facebook, Twitter, Google +, Viadéo, LinkedIn, Instagram, Pinterest, sont les réseaux sociaux les plus fréquentées mais il en existe une multitude. Ces plates-formes se différencient par leur fréquentation et leurs fonctionnalités
Pour reprendre cette citation de Antonio Machado, « il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant » Il y a par contre, comme l’indique le schéma ci-dessous, de nombreuses balises :
Photo credit : Faire un bout de chemin sur les réseaux sociaux - Isabelle Gruet Licence CC BY-NC-SA

Un MOOC peut-il pousser dans les MFR ?

MOOC et MFR ont la même structure : une structure en réseau. Dans un MOOC, chacun définit ses objectifs d’apprentissage, sa participation, choisit ses outils de publication. L’autonomie et la synergie sont privilégiées. Ces différents principes correspondent bien à notre culture._
Selon les organisateurs ce MOOC ITYPA a mobilisé très peu de ressources financières, et s’est par compte avéré très chronophage, ce qui correspond aussi à notre réalité professionnelle !
Dans la vie, chacun a ses gourous. Dans les sciences de l’éducation mon premier maître à penser, c’était Jacques Legroux. Je me rappelle avoir passé au crible son ouvrage « de l’information à la connaissance ». Dans ce parcours, il positionne le moniteur comme un médiateur entre les personnes, les contenus et les méthodes.
C’est exactement cela l’enjeu du MOOC, et c’est au cœur de notre métier.
Pourquoi pas envisager un MOOC dédiés à l’alternance entre pédagogie du réel et pédagogique du virtuel. Nous avons dans notre réseau le sens de la transversalité, la culture du témoignage et de la réflexion collective. Celle-ci pourrait être renforcée par cette forme d’échange !

Un MOOC n’est pas une panacée, mais une avancée pédagogique

Le parcours qu’il propose est difficile. Il relève à la fois de l’autoformation et de la socialisation des apprentissages. Les décrochages sont nombreux. Pour ma part j’ai consciencieusement construit un blog, j’ai eu 110 commentaires dont 109 spam et un seul retour de participant
Dans son écrin très coopératif, j’ai trouvé la formule pédagogique ultralibérale. Le MOOC semblait piloté par une « main invisible », exactement comme l’économie de marché, avec la liberté de produire et de consommer. Dans ce marché ouvert aux nouvelles technologies, les geeks se sont taillés la part du lion. À décharge, il n’est pas aisé de mettre ses objectifs, sa participation, son investissement en adéquation avec le dispositif.

Il n’en reste pas moins que ce MOOC aura été pour moi une expérience marquante. Je me rappellerai notamment des exhortations au partage, de la pertinence du déroulement du cours et des intervenants. Il a été aussi largement question de l’enseignant du futur, plus médiateur, plus accompagnateur, plus formateur et surtout plus créateur d’activités d’apprentissage où le « enseigner pour apprendre » comptera autant que le « apprendre à apprendre ».
Mon admiration va aussi vers le comité qui a capitalisé tout cet environnement d’apprentissage collectif à cette adresse :
https://sites.google.com/site/capitypa
Assurément, ce chemin de l’information à la connaissance, des pédagogues l’ont pensé, un traité l’a érigé en projet de société, ce MOOC ITYPA l’a fait